IV. CONCLUSION

 

Contre la Calabre, plus gracieuse et plus classique, de l'Alvaro de Gente d'Aspromonte (Les Gens de l'Aspromonte), par exemple, et surtout contre la Calabre de Seminara, un poète déclarait, dans le Giornale di Calabria du 15-4-1979 : "On ne peut pas toujours parler de la mer et des poissons, des enfants et des femmes enceintes, du vent et des moeurs obscures, des chèvres et des roches désolées".

 

 

On peut comprendre une telle protestation de la part de quelqu'un qui, après deux grands auteurs comme Alvaro et Seminara, cherche à écrire son temps à partir de sa région. Mais pour nous, la question n'est pas là, et Seminara avait raison, selon moi, de répondre à ce genre d'affirmation polémique en rappelant tout bonnement l'universalité de ses récits : "Ce qui arrive à mes personnages pourrait tout aussi bíen arriver à des gens vivant sous d'autres latitudes; ils ont une valeur universelle" (Periferia, 1984, p. 39). J'ajouterai que la "primitivité" dont il décrit les survivances et dont il repère impitoyablement le travaíl jusque dans les "encivilements" les plus apparemment réussis est en quelque sorte la pierre d'achoppement de nos utopies progressistes et de notre foi dans les lumières de la raison lorsqu'elle est aux prises avec le monde "moderne".

 

 

Mon souhait serait qu'aujourd'hui, la voix de Seminara, "grave, posée", et qui sait parfois être si jubilante aussi, nous sollicite, nous accompagne et même nous rassure, en ces temps que nous vivons, quinze ans après sa mort, et qu'il faut bien appeler les nôtres: quand des jets de "barbarie" viennent régulièrement maculer les bords des territoires ludiques où la "virtuelle" finance internationale de quelques-uns produit des désastres si réels pour tous, quand les craquements de la "mondialisation" entrainent arrachements, migrations et désocialisations générateurs de tragédíes et de violences en cyclone, quand la manipulation des gènes, tant végétaux et animaux qu'humains, ouvre encore sous nos pas d'autres gouffres dans une planète dont l'atmosphère elle-méme se déchire et s'empoisonne. Quand ... le visage humain, en somme, est plus que jamais à sauver et à remodeler. C'est sur cette proclamation, un peu trop sérieuse? de la flagrante actualité et de la nécessité de Semínara que je termine à présent ma causerie en vous remerciant pour votre patience attentive. La discussion est ouverte.